INSPIRATIONS ET PRATIQUES POUR DÉ-SYSTÉMATISER LE SYSTÈME ÉDUCATIF

L’éducation tient une place prépondérante en France, non seulement pour la diffusion du savoir, mais aussi pour la fabrication d’une conscience citoyenne articulée autour des valeurs républicaines: liberté, égalité, fraternité.

Pourtant :
➔ Au sein de l’OCDE, la France est le 3e plus mauvais élève en termes d’inégalités1.

➔ En 2022, 41 % des jeunes disent rencontrer des difficultés dans le cadre de leurs études et 28 % s’estiment insatisfaits de leur orientation scolaire2.

Malgré ces réalités qui nourrissent la sensation d’un système figé, des solutions existent. Nous sommes allés à la rencontre d’acteurs qui s’engagent pour proposer des pistes de change- ment. Notre démarche n’a pas vocation à mettre en avant une vérité unique ou une seule façon de faire, mais à ouvrir des potentialités pour tous les acteurs associatifs, les financeurs et les pouvoirs publics qui souhaiteraient s’inspirer de ces pratiques pour participer à un mouvement de transformation globale.

Les porteurs du projet

Trois acteurs engagés dans le champ éducatif, aux expériences et expertises complémentaires : la fondation Pierre Bellon, qui soutient des initiatives dans le champ éducatif, l’ONG Ashoka, spécialiste du changement systémique et de l’accompagnement des entrepreneurs sociaux, et VersLeHaut, premier think tank français dédié aux questions de jeunesse et d’éducation.

L’éducation, par excellence, s’appuie sur un système complexe qui fait intervenir de multiples « parties prenantes » interdépen- dantes. Ces relations d’interconnexion entraînent des effets variés, souvent imprévisibles, qui peuvent modifier la nature du système, et à terme les rôles de chacune des parties prenantes.

Au sein du système éducatif français, celles-ci sont particulière- ment nombreuses : l’institution, le corps professoral, les élèves, les parents, les élus locaux, nationaux, les associations, etc. Chacune a une responsabilité, un rôle, une influence sur le cadre lui-même. Pour apporter des réponses efficaces aux défis éducatifs, il est donc nécessaire de s’appuyer sur une vision globale qui permette d’établir un diagnostic solide et d’identifier les ressources susceptibles d’être mobilisées.

Repassez par la case “école” !

POURQUOI L’ÉCOLE ?

Pour des acteurs engagés dans le changement éducatif en France, l’Éducation Nationale est un acteur incontournable, avec ses 12 millions d’élèves et près d’un million d’enseignants. En raison d’une obligation de scolarité dès 3 ans, l’immense majorité des jeunes Français y sont confrontés. Pour autant, la coopération avec l’école suppose de trouver un point d’entrée et un équilibre avec une institution complexe dont les codes ne sont pas toujours ceux des acteurs non étatiques.

ENQUÊTE : AGIR AVEC LES LEVIERS DE L’ÉCOLE

Qui ?

Fondée en 2010, Enquête est une association qui vise à répondre aux enjeux posés par l’éducation à la laïcité et aux faits religieux à l’école. L’enjeu : préparer les enfants à devenir des citoyens capables de vivre les désaccords de manière constructive, en leur donnant les outils pour vivre ensemble tout en parta- geant potentiellement un désaccord radical

sur la question du religieux.

L’expérience réussie

Enquête s’inscrit totalement dans la visée de l’école en utilisant les outils de la raison et le sens critique pour transmettre aux enfants une connaissance argumentée et nuancée de la laïcité. Il ne s’agit pas de s’inscrire en faux ou en opposition, mais en complémen- tarité. L’intérêt de l’approche déployée par Enquête est précisément de partir du vécu, des besoins et des enjeux des enseignants.

Parole d’acteur

« Nous abordons le sujet dans le cadre de la connaissance qui est celui de l’école. L’enjeu est précisément la continuité des discours qui sont tenus aux enfants, entre l’école et les autres acteurs éducatifs extérieurs… Le tout dans le plus grand respect des croyances des enfants et, bien sûr, dans le respect des lois existantes. »

Marine Quenin, fondatrice d’Enquête

RETOUR D’EXPÉRIENCE

JOBIRL : IMPLIQUER LES ENSEIGNANTS DANS L’ÉLABORATION DES INTERVENTIONS

« Les deux conditions essentielles de la réussite dans le dialogue avec les enseignants et les établissements sont la flexibilité et l’humilité”

Christelle Meslé-Genin

100 000 ENTREPRENEURS : S’ADAPTER AUX CONTRAINTES DES ENSEIGNANTS

« Nous portons un message large, au-delà de la création d’entreprise : vous avez tous des passions, des talents, des envies ? Eh bien, vous pouvez porter votre projet de vie ! Notre message donne envie aux jeunes d’aller plus loin, de réfléchir à leur orientation, de se projeter dans l’avenir. » Béatrice Viannay-Galvani, déléguée générale de 100 000 entrepreneur

Les compétences psychosociales (CPS), au cœur du changement

Les CPS, oubliées de l’éducation formelle

Les innovateurs sociaux déployant une approche systémique du changement insistent tous sur l’importance de développer les compétences comportementales dès le plus jeune âge. Leur développement produit à la fois des effets sur la réussite scolaire et sociale, et sur la qualité de vie à long terme des enfants.

Qui ?

Créé en 2001, le réseau Môm’artre propose un accès à une éducation artistique de qualité pour des enfants, en dehors du temps scolaire, afin de participer à la réduction des inégalités sociales face à l’apprentissage et au déve- loppement des potentiels. Elle accueille les enfants sur ses lieux de la sortie de l’école jusqu’à 20h en adaptant ses tarifs aux capacités financières des familles et apporte une attention particulière aux foyers

monoparentaux.

L’expérience réussie

Selon le principe de la formation-action, il n’y a pas de formation sans que le formateur soit aussi en pratique. Les mêmes principes s’appliquent à tous les niveaux – enfants, parents, éducateurs – il s’agit de partir du potentiel de chacun et de le faire grandir, par le faire ensemble. C’est le cœur d’un « plai- doyer par le faire » : la démonstration permet peu à peu de convaincre et d’essaimer.

Parole d’acteur

« Nous croyons en l’être humain : il faut arrêter d’éteindre des feux quand ils ont déjà pris. Nous sommes trop dans une société de la réparation plutôt que de l’émancipation, où la personne peut être porteuse de solution. Ce que nous voulons, c’est permettre à chacun d’être acteur de sa vie et de la société ».

Chantal Mainguené

ELOQUENTIA : FORMÉ À LA PRISE DE PAROLE

Qui ?

Eloquentia veut promouvoir une société du dialogue et de la confiance dans la parole de l’autre en accompagnant les jeunes pour qu’ils apprennent à s’exprimer. L’association propose à la fois des concours d’éloquence pour les 18-30 ans et des programmes et parcours pédagogiques de prise de parole éducative, principalement en milieu

scolaire.

L’expérience réussie

L’importance de la prise de parole est de plus en plus reconnue dans l’enseignement, par exemple avec la mise en place du Grand Oral comme épreuve du baccalau- réat. Eloquentia a mis en place des forma- tions à destination des enseignants, ce qui permet de toucher davantage d’élèves tout en s’inscrivant en vraie complémentarité avec les besoins des professeurs.

Parole d’acteur

« Il est essentiel de garder le cap de l’action et sentir les impacts auprès des élèves, ce qui suppose d’intervenir en direct, même si nous touchons moins de jeunes dans l’immédiat. Tout en nous déployant dans la formation des professionnels de l’éducation, qui sont en demande forte de compétences et de méthodes pour développer l’oralité chez les jeunes ».

Katie Brown, Eloquentia

Mais aussi…

Seve, à l’école de l’attention

« Au-delà d’une école, la mise en place d’ateliers dans les classes peut rejaillir sur tout un quartier, peu à peu au-delà, en apaisant les relations entre les enfants. Et ce changement de climat social est positif pour tous ! »

Martine Roussel-Adam, Présidente de Seve

Synlab, Former les enseignants au service de la réussite et de l’épanouissement des élèves

« Des enseignants mieux formés, ce sont aussi des enseignants qui vont mieux, qui se sentent plus légitimes et plus à l’aise professionnellement. A terme, cela rejaillit directement sur le bien-être des élèves. »

Florence Rizzo, Fondatrice de Synlab

Ensemble, on va plus loin !

La collaboration et ses contraintes

Le travail collectif demande du temps, de l’énergie et des moyens dédiés. Les systèmes de financement qui encouragent les collaborations ne prennent souvent pas en compte les coûts induits par le fait de travailler ensemble.

Toute collaboration exige une clarification sur les ressources et spécificités de chacun des participants à une approche collective. Une alliance n’a de sens que si elle est ciblée et pertinente en fonction des atouts et forces des structures en présence.

Retour d’expérience : les grandes écoles de la transition

Qui ?

Dans un contexte de crises écologique et sociale majeures, l’offre de formation pour y faire face manque encore de visibilité et de lisibilité. Lancée en 2019, l’initiative des Grandes Ecoles de la Transition (GET) a voulu répondre à cette situation, en s’inscrivant dans la continuité des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat et de la Loi Climat en ce qui concerne l’éducation.

Le retour d’expérience : faire la preuve par l’exemple en fédérant l’existant

Pour proposer une voie de transformation, les GET sont parties de l’existant, en développant une dynamique globale sur cette base dans une logique d’encapacitation des acteurs en place. C’est une manière de mettre en œuvre directement les principes qui devraient sous-tendre éducation et formation.

Parole d’acteur

« Pour passer à l’échelle, il faut aider les acteurs innovants à travailler en coopétition ou en collaboration au lieu des logiques de compétitions. »

Matthieu Dardaillon, co-initiateur des GET

Mais aussi…

Article 1, de la collaboration à la fusion

« Le rapprochement entre Frateli et Passeport Avenir répondait à une logique forte. On ne collabore pas pour collaborer, mais lorsque ça a du sens, il faut oser aller jusqu’au bout. »

Boris Walbaum, fondateur de Frateli

Changement systémique : encore des efforts !

L’ÉVALUATION, ARDUE ET NÉCESSAIRE

Soutenir une approche systémique du changement nécessite une réelle compréhension de ce qui fait système et ce qui permet d’agir dessus. Or, on constate un manque de connaissance, tout aussi perceptible chez les acteurs de l’innovation sociale que chez des bailleurs de fonds privés comme publics. Il est donc essentiel de sensibiliser les acteurs de terrain et financeurs aux spécificités du changement systémique.

Retour d’expérience : Osons Ici et Maintenant et Ellyx, faire équipe pour faire la preuve

Qui ?

Fondée en 2014, l’association Osons Ici et Maintenant (OIM) s’est donné pour objectif de créer une prise de conscience des jeunes, des responsables politiques et de la société dans son ensemble sur la capacité des jeunes à agir. Avec le projet 100% Transition, OIM accompagne des jeunes dans la construction de leur projet de vie.

L’expérience réussie

Pour 100% Transition, OIM s’est allié à Ellyx, une société coopérative spécialiste de l’évaluation du changement social. En alliant leurs forces, les deux structures ont réussi à convaincre les pouvoirs publics pour obtenir un financement de l’Etat dans le cadre du Plan d’Investissement dans les Compétences 100% Inclusion.

Parole d’acteur

« Le principal obstacle au changement systémique, c’est que nous sommes trop sur des logiques de « à côté » ou « contre », mais assez de « avec ». Y compris avec les jeunes, qui ne sont pas assez intégrés dans la conception et le vécu des projets qui les concernent. »

Olivier Lenoir, co-fondateur de Osons Ici et Maintenant

Mais aussi…

Retour d’expérience : de la preuve à la politique publique avec Unis-Cité

 « Le projet a été conçu comme laboratoire d’une action appelée à devenir systémique. Le but n’a pas été de créer une organisation qui puisse grossir indéfiniment, mais d’expérimenter une idée, de la tester, d’en évaluer l’utilité et si elle s’avérait utile, de proposer des lignes pour une politique publique capable de généraliser l’idée. »

Marie Trellu-Kahn, fondatrice d’Unis-Cité

Chemins d’avenirs, à l’origine d’une politique publique

Pour faire évoluer durablement le système éducatif mais aussi le système de l’insertion professionnelle, il faut induire un changement en termes de mentalités et de pratiques :  c’est pour cela que le plaidoyer est un levier essentiel de notre action ”.

Claire Barberis-Giletti, responsable impact et développement de Chemins d’avenirs

Penser global, agir local

Viser les partenariats locaux

Pour des acteurs de terrain, il est essentiel d’être au plus près des personnes pour répondre à leurs besoins réels. Dans cette perspective, la proximité est un atout indéniable. D’où l’importance de déployer des relais au sein des territoires. La collaboration avec des personnes issues du terrain d’action permet aussi de surmonter des biais culturels, de faciliter l’implantation de projets qui peuvent sinon être perçus comme imposés d’en-haut.

Retour d’expérience : le diagnostic local des Ecoles de Production

Qui ?

La Fédération Nationale des Écoles de Production (FNEP) est un réseau d’établissements privés d’enseignement technique, à but non lucratif, reconnus par l’État, hors contrat qui préparent les élèves à des diplômes professionnels d’État (CAP, BAC pro ou certifications professionnelles). Le modèle est né à la fin du XIXe siècle pour répondre aux besoins d’une jeunesse pauvre et sans qualification.

L’expérience réussie : diagnostic local, preuve locale, succès national

L’implantation d’une école de production doit répondre aux besoins identifiés sur un territoire, et à une implication forte des parties prenantes : entreprises, collectivités locales, système de formation. Les porteurs de projet sont accompagnés pour s’assurer que ces différents éléments sont réunis.

Grâce à ce diagnostic initial rigoureux, les résultats des écoles de production sont au rendez-vous. A force de faire ses preuves localement, le système a attiré un financement ministériel par la voie d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) en vue de doubler le nombre d’établissements entre 2021 et 2023 sur tout le territoire français.

Parole d’acteur

« Nous venons élaborer une réponse à un besoin réel et spécifique, nous ne prétendons pas apporter une réponse toute faite. C’est pourquoi nous aidons à diagnostiquer le problème sur le territoire. S’il n’y a pas une implication de toutes les parties prenantes, cela ne fonctionne pas car il faut assurer une pérennité de recrutement pour les jeunes et pour le territoire.»

Patrick Carret, Directeur des Ecoles de Production

Mais aussi…

Télémaque, essaimer dans les territoires grâce à la franchise sociale

« Le changement systémique est un levier de transformation, pas une fin en soi. Ce que nous visons, c’est un avenir meilleur pour la jeunesse de France et d’Europe. »

Ericka Cogne, Directrice de Télémaque

S’inscrire dans la durée par des partenariats locaux avec Bibliothèques sans frontières

« Le changement ne se provoque pas seul. Pour espérer faire changer les systèmes, la première chose à faire, c’est de se mettre à plusieurs et de faire ensemble.

Jérémy Lachal, Bibliothèques Sans Frontières

Lire “À l’école du changement”

Ce jeudi 26 janvier 2023 à 17h30
VersLeHaut et Ashoka France animeront une table ronde au Learning Planet Institute Festival et présenteront leur rapport “À l’école du changement – Inspirations et pratiques pour dé-systématiser le système éducatif” en présence de Guillaume Prévost et Elsa Da Costa

👉 Suivez la table ronde en direct