Coexister est une association nationale créée en 2009 qui œuvre chaque jour pour favoriser le dialogue inter convictionnel et le vivre ensemble. Grâce à ses quinze groupes locaux déployés sur tout le territoire, elle mobilise des centaines de jeunes bénévoles entre 15 et 35 ans. Nous sommes allés à la rencontre de Hugo, salarié en charge des partenariats ; et Marta, bénévole au sein du groupe local de Strasbourg.
| Repères ¤ 82% des Français jugent important de dialoguer avec quelqu’un ayant des opinions opposées.[1] ¤ 77% des Français pensent que la France est divisée.[2] ¤ La France est interconfessionnelle : 51% déclarent ne pas avoir de religion, 29% se déclarent catholiques, 10% musulmans, 9% d’une autre religion chrétienne (parmi les 18-59 ans).[3] |
Le vivre ensemble comme horizon souhaitable
Ce 9 décembre nous célébrons les 120 ans de la loi de séparation de l’Eglise et de l’État adoptée en 1905. Celle qui assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice de culte. Celle qui est au cœur du propos de Coexister depuis ses débuts et qui pose le cadre de ses rencontres et de ses discussions.
L’association s’organise à deux échelles. Il y a d’abord un bureau national, basé à Paris, qui a pour rôle de porter le projet, de développer son impact et d’accompagner les actions (communication, outils pédagogiques, contenus de formation). Mais en réalité, ce sont les bénévoles, répartis dans une quinzaine de groupes locaux – Marseille, Strasbourg, Lyon, Grenoble et d’autres – qui font vivre aux bénéficiaires le parcours Coexister pendant l’année. Et puisque les bénévoles sont bien souvent des étudiants, certaines antennes locales s’installent directement dans des universités, comme c’est le cas dans l’Institut d’Études Politiques de Paris.
Ce parcours se dessine en quatre grands axes. Le premier volet porte sur la rencontre. Le second – le plus essentiel selon Hugo – c’est celui du dialogue, un moment riche en histoires et parcours de vie. Dans chaque groupe local, les jeunes, de convictions personnelles différentes, se rencontrent autour d’activités comme des repas, des sorties cinéma, des animations sportives, des visites de lieux de culte ou des découvertes de pratiques comme le soufisme… L’occasion, pour ces jeunes, de rencontrer des personnes qu’ils ne côtoient pas au quotidien et de découvrir d’autres façons de voir le monde.
C’est ce qui a motivé Marta à s’engager il y a quelques mois chez Coexister au sein de l’association : « Quand j’ai découvert Coexister je me suis dit que c’était une étape pour aller vers l’autre, faire les choses ensemble. Dans mon quotidien de travail, avec mes activités, je ne rencontre pas forcément beaucoup de personnes différentes de moi. » Selon le Labo de la Fraternité (2024), ce sentiment de manquer d’occasions pour rencontrer des personnes différentes est partagé par 46% de la population.
Dans mon quotidien de travail, avec mes activités, je ne rencontre pas forcément beaucoup de personnes différentes de moi.
Marta, bénévole dans le groupe local strasbourgeois de Coexister
Comme le reflet d’un miroir que l’on regarde : nous sommes deux personnes, avec nos propres vécus, et pourtant, nous sommes les mêmes. Hugo ajoute : « On est convaincus, et les études le montrent, que quand on va à la rencontre de l’altérité, les barrières qu’on peut mettre en place se défont en créant du lien. »
Décentrer son regard, découvrir ce qu’on ne voyait pas
Ces moments où se forgent les liens du groupe permettent aussi d’aller à la découverte d’une confession, d’une histoire, d’un lieu ou d’une pratique. Marta, italienne arrivée en France il y a 4 ans, nous raconte comment Coexister a pleinement contribué à son intégration. Aujourd’hui elle est élue au conseil d’administration de l’association, ce qui lui permet de participer à des évènements nationaux et de rencontrer des personnes venant des quatre coins de la France.
Savoir que je pouvais connaitre des gens partout, ça m’a permis de mieux arriver en France.
Grâce à son engagement, elle découvre Strasbourg au fil des évènements et se surprend à faire de nouvelles trouvailles à chaque sortie. « On a été dans un centre bouddhiste, à quelques mètres de chez moi et je ne savais pas qu’il existait. C’est important pour moi de découvrir la richesse et la diversité d’une ville, et c’est ce que me permet de faire Coexister. » Et le programme de découverte est riche ! Le groupe strasbourgeois a récemment eu la chance de visiter la Synagogue de la Paix, visite exceptionnelle au regard des règles de sécurité. Une journée guidée sous le signe du dialogue inter convictionnel, où des croyants de confessions variées ont pu partager un repas sabbatique et en apprendre davantage sur la tradition juive. Marta garde un très bon souvenir de cette expérience authentique. Parmi les détails qui ont retenu son attention : la manière dont les familles juives conservent la chaleur des plats préparés la veille, puisqu’il est interdit de cuisiner le samedi.
La laïcité, ce vecteur de discussion pour casser les préjugés
Le deuxième volet du parcours Coexister consiste à organiser des actions solidaires. Entre maraude, collecte d’invendus, don du sang, clean-walks, distribution de mots positifs dans la rue ; ces moments de cohésion installent durablement les liens des jeunes bénévoles. Faire société dans l’action, quelques soient les convictions des uns et des autres, là est le sens de cette deuxième étape.
Le dernier axe de l’action portée par Coexister est celui de la sensibilisation. Les membres des groupes vont dans les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur pour expliquer leurs actions. Ce sont bien souvent les professeurs eux-mêmes qui sollicitent l’association pour des problèmes de communication ou de discrimination en classe. Un kit de laïcité – corédigé avec le cabinet de conseil Convivencia – est remis aux enseignants pour les aider à aborder ces sujets en milieu scolaire. Redonner confiance aux enseignants, c’est également la mission que s’est donnée ENQUÊTE avec son outil “L’Arbre à défis” que nous avons valorisé dans un article en début d’année.
Par l’action de Coexister, ce sont 6500 jeunes et enseignants qui sont touchés. Ce qui compte pour les bénévoles notamment lorsque ces dernières années montrent combien il est difficile, en France, de parler de religion, alors même qu’elle est une source d’épanouissement pour beaucoup. Aux États-Unis, une équipe d’universitaires a entrepris une étude sur plus de 200 000 participants de 22 pays différents pour comprendre le lien qu’il pouvait y avoir entre religion et épanouissement. Les premiers résultats montrent que le score d’épanouissement moyen était supérieur de 0,23 points chez les personnes affirmant que la religion constitue une part importante de leur vie par rapport à celles pour qui ce n’est pas le cas.
Ce sont bien souvent les professeurs eux-mêmes qui sollicitent l’association pour des problèmes de communication ou de discrimination en classe.
Coexister est donc cet espace de rencontre, ce cadre de bienveillance où les discussions sont libres et enrichissantes. « C’est ce qui fait que ça marche, on peut parler d’expériences personnelles, familiales, sans être jugé », nous dit Hugo. Les jeunes peuvent parler de tout en passant par leurs vécus, tous différents les uns que les autres. Certains viennent car ils vivent une conversion de foi, d’autres parce qu’ils subissent des discriminations ou d’autres encore, comme Marta, fraîchement arrivés dans un nouvel environnement, parce qu’ils sont avides de rencontres porteuses de sens. C’est la force du parcours : « On apporte la connaissance aux jeunes sur ce que c’est la laïcité et ils en repartent avec beaucoup moins de préjugés ».
On apporte la connaissance aux jeunes sur ce que c’est la laïcité et ils en repartent avec beaucoup moins de préjugés.
La suite ? Elle s’écrit chaque jour par et pour les jeunes, par et pour les coexistants. L’ambition première est de renforcer l’activité des groupes existants et d’en ouvrir de nouveaux au nom du progrès de la laïcité, de l’inclusion et de la cohésion sociale. Réunir en son sein baha’ie, catholiques, athées, protestants, musulmans, juifs ; c’est ça la richesse de l’organisation. Et Marta le résume ainsi : « Le dialogue inter convictionnel, on le fait tout le temps. » Le dialogue n’est ni ponctuel ni lié à un événement particulier, comme c’est souvent le cas ailleurs. À Coexister, il est au cœur du fonctionnement de l’association : grâce à nos différences, nous sommes toutes et tous réunis dans une même association interconvictionnelle.

pour-aller-plus-loin-sur-la-laïcité
[1] Baromètre de la Fraternité 2025.
[2] Destin commun, août 2024.
[3] Insee, 2023.