Désillusions sociales, nouveaux modèles éducatifs ?

Tenir compte du milieu social des élèves pour favoriser leurs apprentissages : c’est le pari, profondément politique, que prend l’Education prioritaire en délimitant des zones de mesures scolaires spécifiques. Peut-on dire, quarante ans plus tard, qu’il a été remporté ?

En 1981, le gouvernement de François Mitterrand applique les principes de la très anglo-saxonne discrimination positive, décidant d’allouer plus de ressources aux territoires marqués par un fort échec scolaire. Les appellations de ces territoires – ZEP, RAR, ECLAIR, RRS, REP…, ont évolué, les moyens se sont multipliés, et de plus en plus d’établissements ont été progressivement associés à ce label, qui concerne aujourd’hui 20% de la population en âge d’être scolarisée.

20% des élèves en Éducation prioritaire, c’est aussi …

  • Autant d’élèves dont les établissements répondent à 4 critères non exclusivement scolaires : des taux élevés de boursiers, de familles au CSP défavorisées, de résidents en Zones Urbaines Sensibles et d’élèves ayant redoublés avant la 6ème ; 
  • 1093 REP : Réseaux d’Education Prioritaire, constitués d’un collège et des écoles du même secteur.
  • Au total, ce sont 1.500.000 jeunes de 2 à 16 ans ;
  • Des enseignants qui débutent leur carrière pour la plupart, sont affectés en Education prioritaire. Relativement jeunes, ils sont 36% à avoir moins de 35 ans (pour 23% hors-REP) ;
  • En termes de dépenses publiques, cela représente un léger surcoût de 4% du budget ;
  • Un objectif scolaire fixé en 2010 : réduire à 10% les écarts de niveaux scolaires entre REP et « Hors-REP » … Il n’a pas été atteint : en 2019, les écarts sont maintenant entre 20% et 35% en fonction des disciplines.

Chiffres : Cour des comptes, 2018

L’analyse de VersLeHaut

Un système construit par tâtonnements politiques : l’Education prioritaire s’érige assez timidement, à coups de réformes organisationnelles et de créations de postes d’enseignants, et ne constituera jamais un modèle fixe. Au gré des alternances politiques, elle se traduit progressivement par le besoin de nouer et de renforcer des liens sur un territoire : lien entre écoles et collèges, entre établissements et acteurs sociaux, entre équipes pédagogiques et familles.

Éducation prioritaire et Politique de la ville, les deux versants d’une même ambition : celle de mettre en lumière la conjonction des difficultés qu’encourent des populations d’origines sociales défavorisées. En effet, la création de la « Politique de la ville en 1990 a pour objectif de lutter pour l’insertion sociale des familles et l’insertion professionnelle de ces jeunes, à l’instar de l’Education prioritaire.

La mixité sociale, incompatible ? Pourtant, c’est une forme d’enclavement qui en résulte, du fait des comportements des classes moyennes. Dès les années 1990, on observe une fuite des familles les plus favorisées vers les établissements privés sous contrat. Ce phénomène souligne comment les politiques scolaires peuvent être mises en échec, voire se révéler contre-productives, au regard des comportements individuels.

Et si le futur de la pédagogie se dessinait en Éducation prioritaire ? Une avancée importante pour l’Éducation nationale, même si elle est fragmentaire et difficilement mesurable : il semblerait que les enseignants des REP soient pionniers, à plus d’un titre, dans le renouvellement des pratiques éducatives. Classes sans notes, autonomie des élèves, co-enseignement, … autant de dispositifs éprouvés quotidiennement pour amener les élèves à réellement s’approprier les apprentissages. Pour la plupart, ils sont nés de l’adaptation de la pédagogie qu’exige, et encourage, l’Éducation prioritaire.

Choyons les enseignants ! En pleine crise de recrutement, l’incitation à l’Éducation prioritaire est un enjeu-clé. Nous sommes loin d’avoir rendu l’enseignement en REP vraiment attractif. Au-delà des primes, comment insuffler aux professeurs l’envie de s’engager pleinement et durablement pour ces élèves.

Nos recommandations :

  • Favoriser la mixité grâce à des partenariats locaux, incluant le privé sous contrat
  • Valoriser l’expertise acquise en Education Prioritaire dans les carrières des enseignants
  • Diversifier les carrières enseignantes grâce à la mobilité professionnelle
  • Consolider, valoriser et diffuser le référentiel de l’éducation prioritaire
  • Renforcer les partenariats entre les réseaux et les acteurs de proximité
  • Simplifier le paysage !

Retrouvez le détail des recommandations de VersLeHaut dans la note de décryptage.

Les initiatives nées de l’Éducation prioritaire qui nous inspirent :

OEPRE : ouvrir l’école aux parents d’élèves allophones

« Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » (OEPRE) est un dispositif conjoint du ministère de l’Education nationale et du ministère de l’Intérieur, qui prévoit l’accueil et l’information des parents récemment arrivés en France et ne maîtrisant par la langue française dans les écoles hors temps scolaires. Le dispositif vise à offrir aux parents des modules d’apprentissage de la langue française et de découverte du système scolaire français.

Au sein de l’établissement scolaire, la mise en place de l’atelier OEPRE permet souvent de mobiliser l’équipe pédagogique pour organiser d’autres initiatives à destination des parents telles que le Café des parents. Cela se traduit par une plus grande implication des parents dans la scolarité de leur enfant.

Le choix de l’école : accompagner lʼentrée dans le métier des nouveaux enseignants

En partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, l’association « Le Choix de l’école » accompagne la reconversion dans l’enseignement de jeunes diplômés et actifs qui souhaitent exercer une profession avec une contribution sociale forte. ” Le Choix de l’école » les forme et les accompagne pendant leurs deux premières années d’exercice dans des établissements situés en quartiers prioritaires : écoles primaires, collèges, lycées généraux, technologiques et professionnels.

Pendant 2 ans, les enseignants bénéficient de 300 heures de formation par des professionnels expérimentés de l’Éducation nationale, un campus d’été d’un mois pour préparer leur première rentrée scolaire ; tout au long de l’année, un accompagnement dans leur matière et sur des sujets transversaux : climat de classe, orientation, décrochage scolaire, différenciation pédagogique, etc.

Depuis 2015, 310 jeunes diplômés et jeunes actifs, âgés de 22 à 35 ans, se sont reconvertis dans l’enseignement au sein de l’Éducation nationale avec Le Choix de l’école.

  • 55 000 élèves scolarisés en quartiers prioritaires ont eu un enseignant accompagné par Le Choix de l’école dans 4 académies partenaires : Créteil, Versailles, Paris, Aix-Marseille.
  • À l’issue de leurs deux premières années avec l’accompagnement du Choix de l’école, plus de 55% des enseignants passent les concours de l’éducation et deviennent titulaires.

Citoyenneté Jeunesse

Depuis plus de 30 ans, l’association Citoyenneté Jeunesse déploie des actions visant à offrir aux jeunes des outils pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons afin de les aider à y prendre toute leur place. L’association conçoit des projets où création et réflexion suscitent l’esprit critique et participent à l’émancipation des jeunes.

Citoyenneté Jeunesse est une association généraliste en termes de pratiques artistiques et explore dans ses projets la transversalité entre les disciplines.

Les projets de l’association sont construits autour des trois piliers de l’éducation artistique et culturelle : Faire (par la pratique artistique collective), Voir (spectacles vivants, expositions) et Echanger (temps de rencontre, de verbalisation…).

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