Au terme de quatre mois de débats houleux, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale a modifié l’organisation des enseignements au collège en vue de constituer des groupes « en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs ».

Que retenir de ces polémiques ? Faut-il y voir la fin du collège unique ? Quelles différences entre classes de niveaux et groupes de besoins ? Quelles conséquences concrètes sur les élèves en 2024 ?

Le débat a permis de souligner le manque d’accompagnement dont bénéficie les élèves, notamment par rapport aux systèmes éducatifs les plus performants. Les résultats de l’enquête PISA 2022, dévoilés en décembre dernier, ont souligné que les élèves français étaient parmi ceux qui estimaient le moins pouvoir compter sur un soutien personnalisé de leurs enseignants. Ces résultats confirment les résultats de 2018 qui plaçait la France à la 27ème sur 28 quant au degré d’écoute et d’empathie des enseignants. Dès 2015, une enquête de la DEPP auprès des collégiens montrait que les élèves français manifestent un niveau relativement élevé d’appréhension et d’anxiété.

La recherche comme les comparaisons internationales montrent que l’importance de l’accompagnement personnalisé des élèves, en particulier pour les élèves issus de milieux modestes. L’enquête PISA 2022, en s’attachant aux pays qui résistent le mieux à la chute de niveau observé depuis 2018, permet d’identifier 3 caractéristiques des systèmes éducatifs les plus performants : (i) la disponibilité des enseignants (ii) l’implication des familles (iii) l’usage d’outils numériques adaptés. C’est sur ces trois critères que l’école française apparaît justement très en retrait. A titre d’exemple, les élèves français sont parmi ceux qui se déclarent le plus perturbés tous les jours dans leurs apprentissages par leur téléphone portable »

L’organisation actuelle des enseignements au collège ne permet pas de mettre en œuvre les groupes de besoins préconisés. Dès que le ministère eut fait part de son intention d’adapter les enseignements en fonction du niveau des élèves, les chefs d’établissements ont alerté sur leur incapacité à modifier la répartition des élèves plusieurs fois par an compte tenu des rigidités des emplois du temps. Cette incapacité souligne les limites d’une organisation fondée exclusivement sur les obligations réglementaires de service des enseignants. Celle-ci assigne un nombre d’heures de cours déterminé aux enseignants dans chaque spécialité, de 15 à 18 heures en fonction du niveau de diplôme, et n’apparaît pas adaptée à un suivi individualisé des élèves. Cette organisation des enseignements en disciplines apparaît de plus en plus en décalage avec les objectifs pédagogiques du collège, de plus en plus interdisciplinaires, comme avec les besoins croissants d’accompagnement des élèves.

Peut-on décemment continuer à mettre 10 à 15 % d’une classe d’âge en situation d’échecs ?

Dans un contexte de resserrement démographique, ces constats appellent des solutions nouvelles, au-delà des sempiternelles polémiques entre excellence et égalité. Alors que le nombre d’élèves devrait passer de 12 millions à 11 millions à la fin de la décennie, il n’apparaît plus tenable de continuer à mettre aussi systématiquement 10 à 15 % d’une classe d’âge en situation d’échecs et d’humiliations répétées. Le récent rapport du CESER Pays de la Loire souligne le décalage croissant de l’enseignement scolaire avec les attentes de nombreux jeunes, en termes d’expériences, d’engagement ou de de prise de responsabilités. Les nombreuses initiatives qui ont émergé depuis 20 ans pour répondre au décrochage dans le cadre de la politique de la ville ou du Plan d’investissement dans les compétences pourraient trouver davantage de place au collège en vue d’un meilleur équilibre entre enseignement et dispositifs éducatifs. Pourquoi faudrait-il donc attendre que les jeunes soient en échec pour leur apporter ce qui les aident à grandir ?

Le rapport du CESER

La tribune de Guillaume Prévost dans Les Echos