L’enquête “Les nouvelles amitiés” de la Fondation Jean Jaurès, réalisée en mars 2024, offre un éclairage inédit sur les liens entre amitié et confiance en soi chez les jeunes. A l’ère du numérique et des réseaux sociaux, les formes et les significations de l’amitié se transforment, impactant la confiance en soi et la construction de l’identité des adolescents.

Nous avons tous besoin d’amitié

Le lycée, l’adolescence est une période charnière. On est entre l’enfance et l’âge adulte, on se découvre, on se cherche, et on a besoin de se sentir accepté. C’est là que l’importance d’avoir son meilleur ami avec soi prend tout son sens. Je me souviens de mon premier jour de lycée, en seconde. J’étais nouvelle et je me sentais complètement perdue. Je ne connaissais personne, et j’avais l’impression de ne pas être à ma place. Heureusement, mon meilleur ami était là. Il était toujours à mes côtés, me soutenait et me donnait le courage d’aller de l’avant.

L’enquête « Les nouvelles amitiés » confirme le rôle central de l’amitié dans le bien-être et l’épanouissement des jeunes. Les amis procurent un sentiment d’appartenance, de soutien et d’estime de soi, éléments essentiels à la construction de la confiance en soi. Ils offrent un espace de partage, d’écoute et de confiance où les jeunes peuvent s’exprimer librement et tester leurs idées.

Pour 60% des jeunes interrogés dans l’enquête les nouvelles amitiés de la fondation Jean Jaurès, quand ils pensent à leurs relations d’amitié, telles qu’ils les vivent, cela évoque pour eux des moments joyeux, de fête.

Les amitiés « authentiques »

Qui n’a jamais connu cette angoisse ? Deux heures de colle pour bavardages excessifs… Mais la pilule est moins amère si on la partage avec son meilleur ami. C’est épaule contre épaule que nous affrontons l’épreuve, unis par une amitié indéfectible. Car à plusieurs, la douleur s’émousse, les difficultés s’aplanissent, et la vie prend des couleurs plus douces.

L’enquête distingue les amitiés “authentiques”, caractérisées par la réciprocité, la confiance et le respect mutuel, des relations plus superficielles. Ce sont ces amitiés profondes qui nourrissent le plus la confiance en soi. Elles permettent aux jeunes de se sentir valorisés et acceptés tels qu’ils sont, favorisant ainsi une image positive d’eux-mêmes.

Les vrais amis, c’est ceux qui sont toujours là pour nous, dans les bons comme dans les mauvais moments.

Une jeune femme de 20 ans interrogée dans le cadre du dossier de la fondation Jean Jaurès « Les nouvelles amitiés »

Les amis authentiques se soutiennent mutuellement dans les moments difficiles et célèbrent les réussites ensemble. Ce soutien émotionnel permet aux jeunes de mieux gérer les épreuves de la vie et de développer une meilleure résistance face aux défis. Les amis authentiques n’hésitent pas à se dire les choses, mais toujours avec bienveillance et respect. Ils offrent ainsi un miroir positif et constructif qui permet aux jeunes de prendre conscience de leurs forces et de leurs talents, et de travailler sur leurs points faibles.

Les amitiés « toxiques »

Si l’expression “relation toxique” est souvent associée aux couples, il est important de reconnaître qu’elle peut également s’appliquer aux amitiés. Ces amitiés destructrices, loin de favoriser l’épanouissement personnel, laissent des traces émotionnelles profondes, comme j’en ai moi-même fait l’expérience avec une amie possessive qui ne supportait pas que je fréquente d’autres personnes.

Une amitié toxique se caractérise par un sentiment de mal-être permanent. On se sent blessé, diminué, voire manipulé par l’autre. Ces relations, loin d’être bénéfiques, nuisent gravement au bien-être émotionnel et à la santé mentale, surtout chez les jeunes.

L’amitié toxique peut prendre plusieurs formes qui peuvent être des insultes et des rabaissements. L’ami toxique critique constamment l’apparence, les choix, les amis ou la famille. Les effets des amitiés toxiques peuvent être importants et amenés à une baisse de l’estime de soi mais aussi à de la dépression et de l’anxiété ou même à des difficultés scolaires.

Il faut rester fidèle à soi-même dans les amitiés. J’ai appris cela à mes dépens avec une personne manipulatrice. Il est crucial de détecter l’engagement et la volonté réelle des gens. On ne peut pas forcer une amitié incompatible. 

Jeune interrogé dans l’enquête « Les nouvelles amitiés »

Une proportion notable de jeunes, soit 18%, exprime un sentiment de fragilité dans leurs relations amicales, d’après l’enquête de la Fondation Jean Jaurès.

Les défis de l’amitié à l’ère numérique

Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, bien qu’ils facilitent la communication et la création de liens, peuvent également générer des défis pour l’amitié. La comparaison sociale, le cyberharcèlement et la dépendance aux écrans peuvent fragiliser les relations et nuire à la confiance en soi.

Les réseaux sociaux exposent les jeunes à un flot constant d’images idéalisées du corps et de la vie des autres, ce qui peut engendrer une comparaison sociale défavorable et nuire à l’estime de soi. De plus, le cyberharcèlement, qui se produit souvent via les écrans, peut avoir des effets dévastateurs sur la confiance en soi des jeunes. Une étude de l’Ifop et de la fondation Jean Jaurès publiée 2022 montre que 63% des jeunes pensent que les réseaux sociaux ont un impact négatif sur leur image corporelle.

Le temps passé devant les écrans peut se substituer aux interactions sociales en face à face, privant les jeunes d’occasions de développer leurs compétences sociales et de renforcer leur confiance en eux.

Parfois, j’ai l’impression que mes amis sont plus intéressés par leur téléphone que par moi.

Une lycéenne de 18 ans

Et si l’amitié ne donnait pas si confiance en soi que ça ?

La proximité et l’intimité des amitiés peuvent amener les jeunes à se comparer constamment à leurs amis, en terme d’apparence physique, de réussite scolaire, de talents, de popularité, etc. Cette comparaison sociale peut engendrer des sentiments d’infériorité, de jalousie et d’inadéquation, nuisant ainsi à l’estime en soi. Le sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes ou des standards perçus chez ses amis peut accentuer la perception de ses propres défauts et faiblesses.

Le désir d’être accepté et intégré au sein du groupe d’amis peut amener les jeunes à se conformer à des normes et des valeurs qui ne correspondent pas nécessairement à leurs propres convictions ou à leurs intérêts.

Les expériences de rejet, d’exclusion ou d’humiliation au sein d’un groupe d’amis peuvent avoir un impact émotionnel profond et durable sur les jeunes. Ces expériences peuvent les amener à se sentir isolés, indignes et à douter de leurs propres capacités. Le sentiment d’être rejeté par ses amis peut fragiliser les jeunes, et mener à des sentiments de tristesse, de colère et de solitude.

Cultiver des amitiés saines et durables

L’enquête souligne l’importance de cultiver des amitiés saines et durables. Cela passe par le développement de compétences sociales telles que la communication assertive — la capacité d’un individu à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux d’autrui-, l’empathie et la gestion des conflits. Encourager les interactions en face à face et les activités partagées est également essentiel pour tisser des liens profonds et enrichissants.

L’enquête “Les nouvelles amitiés” offre des pistes d’action concrètes aux parents et aux éducateurs qui souhaitent encourager les jeunes à nouer des amitiés saines et positives. Il est important de :

  • Favoriser les interactions sociales en encourageant la participation à des activités en groupes.
  • Développer les compétences sociales et émotionnelles des jeunes en leur apprenant à communiquer efficacement, à gérer leurs émotions et à résoudre les conflits.
  • Sensibiliser aux dangers des réseaux sociaux et promouvoir une utilisation responsable de ces outils.

Marion Denis, cheffe de projet jeunesse chez VersLeHaut