Fondé en 2016 et basé en Essonne, Outseeders est une association qui aide les jeunes à s’épanouir, à évoluer dans un collectif et à trouver leur voie grâce au jeu vidéo. Dans les établissements scolaires, les centres de loisirs, les espaces sociaux ou au pied des immeubles, les jeunes sont invités à passer un bon moment tout en apprenant.

Il y a mille et une façons de décrire Outseeders. On pourrait parler d’une rencontre entre la pédagogie et le jeu vidéo ; d’un accompagnement de la jeunesse à la croisée des chemins ; d’une action engagée avec un ancrage territorial ; ou tout simplement d’un club de e-sport gagné par la ferveur les jours de match. Finalement, Outseeders c’est tout en même temps, porté depuis 2016 par une équipe de 4 salariés.
| Repères ¤ En 2020, 71% des Français, dès 10 ans, sont des joueurs de jeu vidéo. [1] ¤ 9 enfants sur 10 âgés de 10 à 18 ans déclarent jouer au moins occasionnellement. [2] ¤ 40% des 11-15 ans déclarent que l’école les ennuie. [3] |
Une envie novatrice à l’origine du projet
Nous sommes allés à la rencontre d’Alexandre, le fondateur et designer d’Outseeders. C’est au cœur de l’Essonne, dans un local un peu spécial – véritable lieu de vie, de travail et de découverte de soi – qu’il nous accueille et nous raconte l’histoire de l’association. A l’origine, c’est son histoire à lui. Un jeune qui a grandi à Brétigny, une double formation de menuiserie et design en poche, qui veut s’engager pour la jeunesse de son territoire.
Il part d’un constat simple : l’espace d’expression laissé aux jeunes d’aujourd’hui ne permet pas de révéler leur plein potentiel. Les élèves français sont parmi les plus stressés des pays de l’OCDE[4], l’école française ne favorise pas la coopération entre élèves et au moment de faire un choix d’orientation, les jeunes se trouvent perdus[5]. Parallèlement, les jeunes sont attirés par les jeux vidéo. Ces derniers permettent de se décharger des angoisses scolaires et de passer du bon temps entre amis. Alexandre y voit donc un lien : les jeux vidéo sont un outil concret pour capter le jeune public. Dans la foulée, l’équipe se forme et deux ans plus tard, elle pense et crée le jeu de plateau Battle of Seeds. Le nom de l’association est donc clair : un mélange entre outsiders – les outsiders de Brétigny – et Battle of Seeds.
L’idée derrière ce jeu est d’en apprendre plus sur soi-même et ses aspirations, tout en abordant des sujets aussi variés que la santé, la citoyenneté et le numérique. A l’heure méridienne, dans les écoles et les collèges, l’association propose aux élèves du CE1 à la 5e de jouer une partie de quarante minutes en jouant en équipe de douze joueurs. Mais concrètement, en quoi ça consiste ?
Une équipe de technophiles œuvrant pour et avec des jeunes engagés
Ce jeu collaboratif est proposé aux écoles et établissements du département – aujourd’hui ils sont quatre à travailler avec Outseeders pour vingt séances par an. Tout en se dépassant eux-mêmes par l’intermédiaire de challenges individuels, les jeunes doivent avancer en équipe pour débloquer les niveaux. Grâce à un travail de veille des dernières recherches et par une maîtrise du terrain, le jeu s’adapte à tous les types de public.
Les plus jeunes, les élèves de CE1, prennent la première année pour explorer le jeu et comprendre qu’en travaillant en équipe ils avancent plus vite. Le jeu allie questions et jeu vidéo. Avec les questions, les jeunes se testent et se découvrent par le biais de quatre profils de joueur : l’explorateur, l’expérimentateur, l’exécutant et le collaborateur. Au fil des séances, ils comprennent que chacun a ses appétences et que la complémentarité est nécessaire pour évoluer dans le jeu – comme dans la vie. Alexandre, le fondateur de l’association, nous explique l’intérêt de l’usage du jeu vidéo : « Le jeu vidéo c’est la carotte, les questions posées c’est la prévention. Avec les questions, les jeunes apprennent à décrypter une image, une information, un système ». On répond d’abord à des questions basiques – la soustraction 12-7 par exemple – pour se questionner ensuite sur des sujets liés à sa santé et celles des autres. Une fois la bonne réponse trouvée, le jeune gagne un cadeau en jouant une partie de jeu vidéo.
Le jeu vidéo c’est la carotte, les questions posées c’est la prévention.
Le secret pour créer un tel jeu d’intelligence collective c’est de réunir des ingrédients solides capables de mettre tout le savoir-faire au service de l’impact social. Menuiserie, ingénierie technologique et informatique, comptabilité, illustration… Encore une fois, la combinaison du travail de ces technophiles montre aux jeunes que la complémentarité prime pour tout projet de vie.
Parallèlement, Outseeders accompagne des jeunes dans leur orientation et leur insertion professionnelle. Par l’intermédiaire de stage pendant les vacances scolaires, ils découvrent le monde du travail en association, les acteurs et les enjeux des industries du jeu vidéo et du e-sport, et pourquoi l’association aide les jeunes au travers de ses actions. Pour ces adolescents, Outseeders est un peu devenu une seconde famille. Alexandre nous disait : « Aujourd’hui on accompagne 7/8 jeunes qui viennent en stage, qui participent aux animations dans les quartiers. On les a connus ils étaient en 6e, aujourd’hui ils sont en Terminale. On les a vus grandir et maintenant ils sont à un tournant de leur vie. »
On les a connus ils étaient en 6e, aujourd’hui ils sont en Terminale. On les a vus grandir et maintenant ils sont à un tournant de leur vie.
Dédiaboliser l’image des écrans
La question des écrans est omniprésente sur la scène médiatique, elle est présente dans toutes les bouches, comme seul responsable de la crise de la confiance et des maux cognitifs de notre jeunesse. Dans une tribune publiée dans le Figaro en avril dernier, l’ex-Premier ministre et ministre de l’Education Nationale Gabriel Attal, avec le pédopsychiatre Marcel Rufo, décréter un état d’urgence contre les écrans, les mêmes qui « tuent à petit feu notre jeunesse ». La solution apportée par Outseeders, c’est de créer des outils utiles au XXIème siècle, utiles à cette société en transformation. « La mission de l’association c’est la guerre des écrans, le projet c’est Battle of Seeds. Et c’est en utilisant les écrans que nous pouvons attirer ceux qui sont concernés par cette addiction, les jeunes comme les parents d’ailleurs. » Car en effet, la participation de parents à certaines animations permet de les outiller face à un usage parfois excessif des écrans.
La mission de l’association c’est la guerre des écrans
Une fois les jeunes captés grâce aux outils de l’association, le travail se met en place : accompagnement à l’orientation, comprendre les enjeux d’addiction aux écrans… En effet, Outseeders accompagne les adolescents dans la construction de leur parcours d’orientation et professionnel. Alexandre ajoute : « Il faut combattre le mal à la racine, régler la fracture là où elle commence, faire de l’apprentissage avant de faire de l’insertion pour ne pas subir un parcours, pour faire un choix éclairé. »
Au-delà de la notion de jeu, c’est tout un écosystème local qui se tisse autour des besoins de la jeunesse. Outseeders c’est une solution de village qui redonne du sens au local. C’est une action qui fait du lien entre les jeunes, l’école et les familles. L’association essaye aussi de les reconnecter avec l’offre dans la ville en redirigeant au besoin les jeunes vers des spécialistes : kinésithérapeute, orthophoniste, structure sportive… Finalement, parler du jeu comme langage commun, voilà comment nous pourrions décrire Outseeders.

[1] L’essentiel du jeu vidéo. Les Français et le jeu vidéo, Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs, Novembre 2020.
[2] Ibid.
[3] Baromètre des adolescents, Notre Avenir à tous, Ipsos, Janvier 2024.
[4] Pisa 2022
[5] Selon l’enquête Crédoc pour le CNESCO, publiée en septembre 2018, ils sont 68% à déclarer que l’orientation a été une source de stress.