L’apprentissage de la lecture est un sujet de préoccupation pour les parents. En effet, bien savoir lire est fondamental pour bien réussir scolairement. C’est aussi une porte vers la connaissance et l’imaginaire, qui nous nourrit tout au long de notre vie. Comment accompagner son enfant dans cet apprentissage ? Comment favoriser son goût pour les livres ? Décryptage avec Bérengère Wallaert, chargée d’études pour le think tank VersLeHaut.

“J’ai de la chance, mon enfant aime beaucoup lire”

C’est en premier lieu cet enfant lui-même qui a de la chance ! D’abord parce que nos lectures nous font vivre des histoires qui élargissent notre univers et notre expérience du monde. Pour un bon lecteur, c’est un grand plaisir d’avoir accès à toutes ces vies et à tous ces savoirs. En plus, on sait à quel point il est déterminant pour la réussite scolaire de maîtriser la lecture et d’en faire usage[1].

Pour réussir à l’école, c’est mieux de beaucoup lire. Pourtant beaucoup d’enfants n’aiment pas lire.

Pourquoi certains aiment lire et pas d’autres ?

Il y a tout d’abord une question de niveau de lecture. Lorsqu’on lit de façon fluide et rapide, on peut être plongé dans le texte, au point d’oublier sa propre existence. On appelle cela la lecture “automatique”. En revanche, quand les mots doivent être déchiffrés, c’est plus long et ardu. Tout l’enjeu de l’apprentissage de la lecture est donc de passer du déchiffrage à l’automatisation.

Les lecteurs qui “n’automatisent pas” ont besoin de mémoire et de concentration pour ne pas perdre le fil, le texte n’est pas comme un film dans leur tête. Beaucoup plus difficile de ressentir du plaisir ! Ces personnes préfèreront passer par l’oral et par les écrans, dont l’usage est plus facile et plus immédiat.

Pour aimer lire, il faut lire 

Cependant, lire vite et bien demande une certaine expérience. Cela requiert plusieurs années d’exercice. C’est pourquoi on s’alarme de voir beaucoup de jeunes ne pas passer par cet effort, au profit de l’usage des écrans. Le risque est qu’ils n’arrivent pas à cette fluidité suffisante pour “être dedans”. D’ailleurs, on estime que 20% des élèves de 6e qui lisent un texte ne le comprennent pas ou mal.[2]

Pour arriver au plaisir de lire, il faut lire… De plus en plus d’écoles et de collèges l’ont compris et adoptent l’opération “Silence, on lit”. Pendant un quart d’heure, voire une demi-heure, tout le monde s’arrête pour lire un livre de son choix.

Comment aider notre enfant à accéder au plaisir de lire ?

Bien sûr, certains enfants ont besoin d’un soutien particulier, parce qu’ils présentent par exemple des symptômes de dyslexie [3]. Au-delà du passage chez l’orthophoniste, certaines pédagogies donnent plus de temps à l’enfant pour entrer dans la lecture et l’écriture. C’est le cas de nombre d’écoles à pédagogie alternative, qui étalent l’apprentissage des lettres jusqu’au milieu du CE1, ou la pédagogie Montessori qui mise sur l’apprentissage à un rythme individualisé. D’autres enfants accèdent à la lecture avec l’aide de gestes et de sons (la méthode Borel-Maisonny).

Des chercheurs ont aussi prouvé qu’il y avait un lien direct entre le nombre de livres à la maison et le niveau d’alphabétisation[4]. L’apprentissage de la lecture étant plus efficace si l’enfant voit ses parents ouvrir des livres…

Papa, tu me lis une histoire ?

Et on arrive à un point-clef de l’amour de la lecture : le temps du plaisir partagé entre parent et enfant autour d’un livre. Comme l’explique Carolyn Cates, de la New York University School of Medicine : “La lecture faite aux jeunes enfants, dans leur petite enfance, a un effet durable sur le langage, l’alphabétisation et les compétences en lecture.”[5].

Lire une histoire à son enfant, n’est pas seulement bon pour la relation parent-enfant, cela prévient les retards de langage puis de lecture.

Les neurosciences appuient ce constat : lorsqu’on fait la lecture à un enfant, il développe de nombreuses connexions neuronales liées à l’acquisition de vocabulaire, à la familiarisation avec les structures de la langue, au suivi d’un récit long… Qui soutiendront ensuite l’apprentissage de la lecture. Quand on sait qu’entre 3 et 6 ans, l’enfant crée jusqu’à 1 000 nouvelles connexions neuronales par seconde[6], le moment est donc privilégié !

C’est toute l’idée de l’action “Un bébé, un livre” déployée dans les maternités par des orthophonistes depuis 10 ans, qui sensibilise les parents à l’importance de parler à leur bébé et de lui raconter des histoires. Chaque bébé reçoit un livre et un livret pédagogique pour ses parents. D’ailleurs, cette initiative est labellisée par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme.

Dans le même esprit, “Promenons-nous dans nos histoires” est un programme imaginé par l’association Parents-professeurs ensemble ! pour informer les professionnels de l’éducation, de la petite enfance et les parents sur l’intérêt et la façon de lire des histoires.

Et pour finir, n’oublions pas à quel point l’oral et l’écrit sont liés : un enfant qui parle de façon riche a de meilleures chances d’apprendre facilement à lire. Alors pour que nos enfants goûtent le plaisir des mots, passons de bons moments ensemble à lire, à parler, à rire. À être heureux.

 

[1] La lecture au CP : les déterminants de la réussite, Bruno Suchaut, 2003. [2] Selon le Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) publié en 2017. [3] C’est-à-dire une difficulté à entrer dans le langage écrit, qui peut revêtir des aspects et une intensité variables. [4] Joanna Sikora, de l’Australian National University et de l’University of Nevada. [5] Early Reading Matters: Long-term Impacts of Shared Bookreading with Infants and Toddlers on Language and Literacy Outcomes, une enquête menée auprès de 250 mères et leur bébé de 6 mois à 4 ans1/2. [6] Voir les travaux de Stanislas Dehaene.