Dans les coulisses de la protection de l’enfance, certains dispositifs demeurent méconnus alors qu’ils transforment des vies. Les relais parentaux font partie de ces solutions discrètes et efficaces : de petites maisons familiales qui accueillent temporairement les enfants, tout en associant leurs parents. Ni foyer, ni lieu de placement, mais un espace de respiration où chacun peut retrouver confiance.
Un relais pour souffler sans rompre le lien
Quand l’épuisement guette, que la santé mentale se dégrade, que les horaires de travail deviennent intenables ou que la perte d’un logement déstabilise toute une famille, il reste peu de solutions pour les parents isolés. Sans soutien amical ou familial, ces situations peuvent malheureusement déboucher sur un placement en urgence des enfants.
Offrir aux parents un temps de répit, sans rompre le lien avec leur enfant.
Les relais parentaux, créés il y a trente ans par un éducateur spécialisé et une puéricultrice, apportent une réponse originale : offrir aux parents un temps de répit, sans rompre le lien avec leur enfant. Apprentis d’Auteuil a repris et développé ce dispositif en 2011, dans une logique de prévention et de soutien à la parentalité.
Ouvert aux enfants de la naissance à 17 ans, le relais parental accueille des situations très diverses : mamans en dépression post-partum ou en saturation parentale, familles hébergées à l’hôtel ou au 115, parents en reprise d’activité, personnes en attente d’un logement ou en recherche d’insertion professionnelle…. Dans plus de 90 % des cas, il s’agit de femmes seules avec leurs enfants. La demande émane des parents eux-mêmes, orientés par un prescripteur de confiance : PMI, hôpital, service de soins, école ou association locale.
Une maison ouverte, une équipe pluridisciplinaire
À Fontenay-aux-Roses et Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine, quatorze enfants peuvent être accueillis dans une maison familiale avec jardin. Tout est pensé pour créer un environnement rassurant : « une maison et pas un foyer », insiste Stéphanie Le Beuze, responsable du dispositif. L’équipe pluridisciplinaire associe éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs, auxiliaires de puériculture, éducateurs de jeunes enfants, maîtresse de maison, veilleuses de nuit. Leur rôle : assurer la continuité du quotidien, tout en soutenant activement la relation parent-enfant.
Les modalités d’accueil sont souples. Certains enfants viennent à la journée, comme en crèche, pour permettre à leur parent de se soigner ou de souffler quelques heures. D’autres sont accueillis jour et nuit, parfois plusieurs mois, quand une rupture de logement ou une maladie impose un relais plus long. L’accueil séquentiel – un week-end sur deux, une ou deux nuits par semaine – permet aussi de prévenir la saturation parentale.
Dans tous les cas, les parents sont associés : ils participent à des bilans réguliers, peuvent partager des moments avec leur enfant dans la maison, et bénéficient d’ateliers collectifs (nutrition, psychomotricité, cafés des parents, séjours familiaux). L’équipe pratique le non-jugement, l’écoute et la disponibilité, restituant aux parents le quotidien de leur enfant, ses progrès, ses découvertes. C’est souvent au fil de cette relation de confiance que d’autres difficultés peuvent être révélées et accompagnées.
Prévenir plutôt que placer
Les résultats sont là : 98 % des parents déclarent un soulagement immédiat dès l’accueil. Ils gagnent en confiance, se sentent plus compétents, et perçoivent une amélioration de leur situation. Les enfants bénéficient d’un accompagnement individualisé : continuité scolaire, maintien des repères (club de foot, orthophonie, crèche), soutien au développement du langage et de la motricité, repérage précoce de troubles. Préserver le lien familial reste la priorité : dans la grande majorité des cas, l’accueil au relais parental évite un placement et facilite un retour serein dans la famille.
Dans la grande majorité des cas, l’accueil au relais parental évite un placement et facilite un retour serein dans la famille.
Le dispositif séduit aussi les professionnels : 100 % des partenaires et des membres des équipes se disent satisfaits. Pourtant, il reste fragile. Il est encore méconnu de certains acteurs et exige un gros effort de communication pour espérer le voir se diffuser. Souvent les deux structures des Hauts-de-Seine se voient dépassées par les sollicitations, parfois contraintes de refuser des demandes. L’inexistence du dispositif dans les départements limitrophes renforce cette pression.
La stratégie nationale de prévention en protection de l’enfance de 2020 prévoit la création d’une vingtaine de relais parentaux : une perspective encourageante, renforcée par l’étude d’impact social conduite en 2024 par l’agence Archipel&Co. Car au-delà des chiffres, ces maisons familiales démontrent chaque jour qu’un soutien adapté, souple et bienveillant peut préserver l’essentiel : la confiance des parents et la continuité des liens avec leurs enfants.