Le foyer familial demeure le premier lieu d’éducation des enfants. Ce qui s’y vit joue un grand rôle dans leurs parcours. Or aujourd’hui, de nombreuses familles sont fragilisées dans leurs ambitions éducatives. Comment leur redonner prise ? VersLeHaut plaide pour un renouveau de notre ambition collective aux côtés des familles.
Depuis sa création, VersLeHaut prête une attention particulière à la question de l’éducation dans la famille. Dans un système éducatif où les trajectoires personnelles, scolaires et professionnelles des enfants sont durablement influencées par les expériences vécues au sein de la famille, dès le plus jeune âge, difficile en effet de faire abstraction des réalités familiales.
Dès 2017, nous publiions le rapport “Soutenir les familles : le meilleur investissement social » qui soulignait le besoin de mieux accompagner les parents pour garantir à tous les enfants une éducation de qualité. Nous avons ressenti le besoin de réactualiser ce travail pour tenir compte d’évolutions récentes dans les vécus familiaux mais également pour faire le point sur les initiatives des pouvoirs publics et de la société civile de se porter à la rencontre des besoins des familles.
Un quart des familles sont monoparentales avec dans 83% des cas une femme à sa tête (INSEE)
VersLeHaut a donc consacré une partie de l’année 2025 à ce thème. Notre baromètre Jeunesse&Confiance 2025 a permis de collecter de précieuses données du côté des jeunes et des parents. Nous avons ensuite complété ce volet quantitatif par une enquête comprenant de nombreux échanges – avec des professionnels de l’éducation et du travail social, des parents, des élus, des responsables associatifs, des experts – mais également des visites de terrain, des lectures.
Voici les principaux enseignements et propositions auxquels nous ont conduit ce travail au long cours !
Des familles sous pression
Source de joie et d’accomplissement, l’éducation des enfants peut aussi se révéler éprouvante, jusqu’à l’épuisement, pour une part significative des parents, en particulier des mères.C’est un des enseignements importants de l’enquête OpinionWay pour Apprentis d’Auteuil. Plus de six mères sur dix disent se sentir régulièrement dans un état d’épuisement proche de la rupture. Une donnée inquiétante et révélatrice des difficultés associées à la condition parentale contemporaine.
63% des mères trouvent qu’il est aujourd’hui difficile d’élever leurs(s) enfant(s) (OpinionWay/Apprentis d’Auteuil, 2025)
A quoi tiennent ces difficultés ? Pour une partie des familles, elles sont liées à des contraintes matérielles qui les privent de ressources. Ainsi la précarité – source de stress et de contraintes fortes qui privent les parents d’une disponibilité envers leurs enfants – ou l’isolement – l’absence d’entourage pour apporter du soutien ou du répit constaté par un tiers des parents selon notre baromètre – accroissent la vulnérabilité des familles.
Pour autant, les parents mieux dotés en ressources se trouvent également pénalisés par la tendance inflationniste des attentes vis-à-vis d’eux. Sur des sujets aussi divers que la gestion des écrans, l’autorité, le suivi scolaire et l’orientation, l’alimentation, ils ressentent une forme d’hyper-responsabilisation et le sentiment de manquer parfois de repères. Ils sont ainsi près de six sur dix à se dire déstabilisés par les messages contradictoires sur la parentalité véhiculés par les médias.
Garantir de bonnes conditions d’éducation dans les familles
Pour faire face à leurs responsabilités éducatives, les familles sont donc dotées de ressources très inégales. La disponibilité des adultes, leur capacité à accompagner les apprentissages, la proximité avec la culture scolaire, l’accès à information fiable, le rapport aux loisirs, au sport, à la culture, l’organisation de la vie familiale, les responsabilités familiales : tous ces aspects de la vie familiale affectent largement les parcours des enfants sur le plan scolaire mais aussi plus largement dans la façon dont ils grandissent.
Les professionnels de l’enfance et de l’éducation doivent composer avec ce volet familial dont ils n’ont souvent qu’une conscience restreinte. Pourtant, sans une prise en compte fine de ces réalités, nos politiques éducatives courent le risque de l’impuissance.
Comment dès lors garantir aux enfants de bonnes conditions d’éducation dans leurs familles ? En réaffirmant réaffirmer l’attention et le soutien que leur doit la collectivité et en se portant mieux à la rencontre de leurs besoins, tout en évitant de céder à la tentation du contrôle, de la mise sous tutelle.
59% des parents se disent mal informés sur les structures et les professionnels qui peuvent les aider et les accompagner en matière d’éducation. (IFOP/Fondation pour l’enfance, 2022)
Nous pouvons collectivement – pouvoirs publics, professionnels de l’éducation, du travail social, de la santé, acteurs du monde associatif et citoyen – contribuer à une société plus soutenante et proposer davantage de ressources accessibles dont les familles pourront se saisir librement, selon leurs besoins.
Dans cette optique, trois directions nous semblent devoir être poursuivies conjointement.
Refonder la politique familiale autour du soutien à la parentalité
Devenue inadaptée aux attentes des parents, la politique familiale doit se réinventer autour d’un soutien plus concret. Les enquêtes le révèlent, les parents expriment des besoins en ressources tangibles : du temps de présence auprès de leurs enfants, des équipements et des infrastructures adaptées (crèches, centres aérés, centres de vacances), des conseils et un accompagnement répondant à leurs difficultés.
69% des français désignent des prestations en nature comme priorité pour la politique familiale. (Baromètre d’opinion de la Drees, 2024).
Voici quelques pistes pour répondre à ces attentes :
- Renforcer l’accompagnement à la parentalité en l’intégrant systématiquement dans les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité, en mobilisant plus efficacement les établissements d’accueil du jeune enfant sur cette mission et en encourageant l’innovation via des contrats à impact social – en favorisant notamment l’aide aux parents sur les usages numériques et la gestion des écrans, première source de difficultés reconnue.
- Étendre les dispositifs d’accueil des enfants adaptés aux situations de vulnérabilité parentale : crèches à vocation d’insertion professionnelle, relais parentaux, solutions de répit temporaire.
- Favoriser la présence des deux parents auprès des enfants en alignant la politique de congés parentaux sur les législations européennes les plus généreuses et en ouvrant des jours de congés pour le suivi de la scolarité, permettant d’accompagner rendez-vous, réunions et transitions clés.
- Renforcer la priorité accordée aux familles modestes et monoparentales dans l’architecture des prestations monétaires et des dispositifs fiscaux car pour les familles les plus vulnérables, une hausse du niveau de vie se traduit effectivement par de meilleures conditions d’éducation pour les enfants.
Encourager les solidarités éducatives
Cependant, la responsabilité du soutien aux familles ne peut relever uniquement de la politique familiale. L’engagement de la société civile auprès des familles doit être soutenu et amplifié pour renforcer les solidarités éducatives et seconder l’action publique.
Un tiers des parents estiment ne pouvoir compter sur personne pour contribuer à leurs côtés à l’éducation de leurs enfants. (Baromètre Jeunesse&Confiance OpinionWay/VersLeHaut, 2025)
Quelques initiatives pourraient être encouragées pour aller dans ce sens, parmi lesquelles :
Favoriser l’implication d’adultes de confiance aux côtés des familles, en développant le parrainage de proximité, les espaces intergénérationnels, le mentorat ou par la mise en œuvre de conférences familiales en protection de l’enfance.
Introduire une clause d’implication des familles pour les associations œuvrant dans le champ éducatif, en tenant compte de ce critère dans les procédures d’attribution d’agréments et de financements.
Mobiliser les professionnels de santé pour prévenir l’épuisement parental à chaque étape du suivi médical de l’enfant.
Déployer sur tout le territoire des lieux d’écoute et d’accueil inconditionnel pour les parents sur le modèle des Maisons des familles.
Ouvrir résolument l’école aux parents
Enfin, l’école doit poursuivre sa transformation pour devenir un véritable lieu de ressources éducatives pour les familles mais également pour bénéficier de la participation effective et s’enrichir de l’expérience des familles.
56% des parents plaident pour une communication plus régulière avec l’école. (Baromètre Jeunesse&Confiance OpinionWay/VersLeHaut, 2025)
Ce qui pourrait se traduire dans les faits par les inflexions suivants :
Faire de la coéducation une mission éducative à part entière, en formant obligatoirement tous les personnels éducatifs (animateurs périscolaires, ATSEM, enseignants) et en intégrant et valorisant l’échange avec les familles dans leur temps de travail.
Renforcer l’engagement des parents tout au long de la scolarité en facilitant leur participation aux parcours éducatifs et aux séances d’aide au travail personnel – via Devoirs faits par exemple, en démocratisant les espaces parents déployant massivement la Mallette des parents dans sa version évaluée par l’Ecole d’Economie de Paris en 2010.
Créer une Direction des parents au sein du Ministère de l’Education nationale afin de manifester le souhait d’ouvrir l’école aux parents.
Retrouvez l’intégralité de notre diagnostic et de nos propositions dans notre étude Familles sous pression, qui les soutient ? en libre téléchargement !