Charlotte, 20 ans, est étudiante et passionnée de photographie. Après une première année d’étude supérieure qu’elle subit, elle se réoriente et parvient à allier ses passions à son parcours professionnel.

« Ce premier choix n’est pas un échec mais révélateur de qui je veux être… »


VLH : Peux-tu revenir sur ton parcours initial ?

Charlotte :J’étais en filière générale au lycée, j’ai choisi de faire les spécialités Humanités, Littérature et Philosophie (HLP), Histoire-Géographie, Géopolitique et Socio-Politique (HGGSP) et enfin Langues, Littératures et Civilisations Etrangères et Régionales parcours Anglais (LLCER).

Durant mon année de terminale, au moment de Parcoursup, je me suis tournée principalement vers des formations dans l’audiovisuel, la communication que ce soit en BUT[1], BTS[2] ou licence, mais aussi vers des formations en rapport avec mes spécialités comme la licence d’anglais ou de sociologie. J’ai été accepté dans toutes mes licences et dans la formation BUT MMI (métiers du multimédia et de l’internet).

VLH : Et alors, quelle formation as-tu choisi ?

Charlotte : J’ai choisi le BUT MMI à l’Institut Universitaire de Technologie de Bobigny dans le 13ème arrondissement de Paris, une formation de 3 ans sur les métiers du multimédia et de l’internet (chef de projet, animateur/trice 3D, webmaster). Je la trouvais assez complète, on avait un panel d’enseignements plutôt variés dont certains se déclinaient en différents sous-thèmes On avait par exemple des matières comme domaine web qui se déclinaient en différents cours comme développement web, programmation… avec aussi beaucoup de pratique de projets et un stage à faire chaque année.

VLH : À quel moment as-tu commencé à remettre ce choix en question ?

Charlotte : Au moment où je faisais du développement web *rigole*, pendant les cours de code et de programmation. Je trouvais ça complexe et très axé sur l’informatique. J’ai eu un déclic au moment où je me suis dit que j’allais me retrouver dans un métier du web alors que ça ne me plaisait pas. Je n’ai pas validé ma première année car j’ai quitté ma formation en février, soit 6 mois après la rentrée. J’ai commencé le processus de réorientation en janvier. Ce qui m’attirait dans ce que je faisais c’était la création, l’élaboration de projets visuels ou audiovisuels pour communiquer après, davantage que de faire du web.

VLH : On sait que près d’un étudiant sur 5 se réoriente après une première année d’études supérieures[3] ; tu fais un peu partie de ces étudiants. Qu’est-ce qui t’a poussée à te réorienter ?

Charlotte : Un manque d’intérêt envers les cours surtout. Et puis le rythme était trop monotone, on faisait du 9h/18h toute la semaine. Je sentais que ça me drainait physiquement et mentalement. En fait je sentais que je me réveillais pour faire quelque chose que je n’aimais pas.

VLH : Comment s’est passée la transition d’un cursus à l’autre ? T’es-tu sentie perdue ou soulagée ?

Charlotte : Dans mon BUT, ce qui m’intéressait c’était les cours de communication, donc c’était bien évidemment la voie que je voulais suivre, j’ai commencé à chercher une formation uniquement dans ce domaine (licence, BTS, BUT).

J’ai découvert l’alternance parce qu’on m’a proposé d’être apprentie dans une association d’étudiants qui s’appelle « Renouveau Lycéen ».  Elle a pour mission de soutenir les préoccupations des élèves sur les enjeux éducatif et jeunesse, de fédérer les initiatives portées par les lycéens au service de l’intérêt collectif. J’ai trouvé le projet super et le principe d’alternance intéressant. J’ai donc tout simplement accepté ! Ce qui est marrant c’est que j’ai trouvé l’entreprise avant l’école.

Je me suis sentie soulagée d’aller vers une formation qui me plaisait réellement.

Je me suis sentie soulagée d’aller vers une formation qui me plaisait réellement, même si par précaution je suis retournée sur Parcoursup. J’y ai fait que des vœux dans la communication. Mais je n’ai finalement pas prêté attention à ces vœux et résultats, j’ai été acceptée dans une école hors Parcoursup.

VLH : As-tu été bien accompagnée dans cette démarche ? Quelle a été la réaction de ton entourage – famille, amis, enseignants ?

Charlotte : Ma mère ne s’en préoccupait pas vraiment mais j’étais bien entourée, essentiellement de mes amis qui ont été d’un vrai support. A l’école, je dirais que la conseillère d’orientation m’a aidé ; et il y avait des réunions pour ceux qui souhaitaient se réorienter. C’était surtout pour savoir comment procéder administrativement mais c’était utile.

VLH : D’ailleurs, quelles différences vois-tu entre les deux formations ?

Charlotte : Ma formation actuelle est beaucoup moins linéaire que la première, il y a moins de matières, ce qui permet de davantage se concentrer sur nos projets. En plus, les professeurs du BTS communication sont plus proches de nous étant donné qu’on est en petit comité. Le suivi est, de fait, plus efficace. On a aussi une ambiance plus conviviale lors des travaux de groupe. Je crois que la formation BUT était trop sérieuse pour moi *rigole*.

VLH : Qu’est-ce qui t’a attirée dans ce domaine en particulier ? Ce parcours te correspond-il davantage ?

Charlotte : La création, l’élaboration de projet, j’aime énormément. Le fait que mes passions – la photographie, la vidéo, le graphisme – me servent au quotidien, c’est génial. Je sens que c’est ce dans quoi je m’épanouis le plus. Je touche à tout dans ce parcours, y’a pas de routine, et ça libère ma créativité.

J’ai l’impression, pour le moment, d’avoir trouvé ma voie. Je me plais dans ce que je fais, je m’amuse, j’en apprends énormément sur ce monde vaste de la communication et je compte développer mes compétences. On dit souvent que la communication est un domaine bouché, mais au contraire il y a du nouveau tous les jours !

VLH : Avec le recul, comment analyses-tu ton premier choix et comment tu te projettes aujourd’hui ?

Charlotte : Cette première expérience m’a permis de savoir ce que je ne voulais pas. Je me suis lancée, j’ai essayé, j’ai persévéré mais j’ai compris que je n’y étais pas à ma place. Alors, à la manière d’une boussole, je me suis laissée guider par mes passions ; et voilà où je suis aujourd’hui ! Je suis contente de m’être réorientée.

Ce premier choix n’est pas un échec mais révélateur de qui je suis. J’ai appris à travailler en groupe, et j’adore ça. J’ai plus de patience, j’ai moins peur d’affirmer mes choix.

Je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre. Je veux aller loin dans mes études, dans la communication bien sûr. La vie professionnelle n’est pas un jeu, il faut y être formé et préparé pour apprendre de nouvelles choses et s’y retrouver.

Ce n’est pas “perdre une année” comme certains le pensent ; c’est oser plutôt que regretter.

VLH : Quel message aimerais-tu faire passer à celles et ceux qui envisagent une réorientation mais n’osent pas ?

Charlotte : Je leur dirais de ne pas avoir peur, qu’il n’existe pas de bons ou de mauvais choix, qu’il n’y a pas d’échec. Ce n’est pas “perdre une année” comme certains le pensent ; c’est oser plutôt que regretter.

On peut se réorienter dix fois s’il le faut, mais au moins on saura ce que l’on aime ou non. Il ne faut pas se fier, de manière aveugle, à l’avis des autres car vous êtes le seul à savoir ce qui est bon pour vous.

Ce message que Charlotte défend est révélateur des idées reçues sur la réorientation. En 2024, 170 000 candidats sur Parcoursup étaient des étudiants en réorientation. Loin d’être une exception, le parcours de Charlotte montre au contraire que la réorientation n’est ni un abandon, ni un échec mais une découverte continue de soi-même qui dépasse le temps que la scolarité nous donne. L’orientation devient un chemin qui nous guide grâce à une boussole représentant nos doutes mais qui développe notre confiance.

Entretien réalisé par Joyce Umba Jandia


[3] Etude menée entre 2018 et 2023 par TheConversation ne prenant en compte que les étudiants de la plateforme Parcoursup.


[1] Bachelor universitaire de technologie

[2] Brevet de technicien supérieur