Marie Barsacq, Directrice Exécutive “Impact et Héritage” au Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. 

Alors que le cycle d’étude « Le sport peut-il changer l’éducation ? » se poursuit chez VersLeHaut, le rapporteur de l’étude, David Blough, est allé à la rencontre de personnalités expertes sur la question. Au fil des échanges, nombreux sont ceux qui ont souligné le fait qu’un corps en mouvement était perçu comme un obstacle et un objet de perturbations.  

Le modèle scolaire français modèle un corps assis toute la journée, dans une salle de classe… Comment faire pour que ce corps soit davantage pris en compte – que ce soit pour lutter contre la sédentarité, favoriser le bien-être à l’école ou pour jouer un rôle dans les apprentissages ? 

Extrait de sa rencontre avec Marie Barsacq…  

Quel a été le point de départ de la réflexion sur la stratégie héritage et impact dans le domaine éducatif ?  

La démarche d’héritage et d’impact a débuté dès la phase de candidature de Paris 2024. Il fallait que cette candidature ait du sens pour tous les Français et aller au-delà de l’organisation d’un événement sportif aussi beau soit-il. Il fallait imaginer un événement qui serait utile et qui aurait un impact positif pour la France. Quand on a réfléchi à la nature de ces impacts, la première chose qui nous est venue à l’esprit c’est la recherche d’impact pour la jeunesse et pour lutter contre la sédentarité. C’est la conjugaison de ces deux enjeux qui nous a poussé à inspirer la Génération 2024, pour être plus sportive.  

Lorsque nous avons obtenu les Jeux, nous avons lancé une étude avec l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS) pour faire un état des lieux de la sédentarité et de l’inactivité physique en France, avec un focus sur les jeunes. L’analyse a confirmé les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). 

Les enfants français sont bien en deçà des recommandations d’activités physiques de l’OMS. 

Il y a également une distorsion, dès l’enfance, entre le niveau de pratique des filles et des garçons. Fort de ces enseignements, nous nous sommes dit qu’il n’y avait que l’école qui était en mesure d’adresser des programmes qui toucheraient tous les enfants, indépendamment de leur milieu social ou de leur sexe. S’il y a une solution aux problématiques évoquées, elle doit bénéficier à l’ensemble des enfants.  

Quelles sont les initiatives portées par Paris 2024 en matière d’éducation ?  

Le constat que j’ai décrit est le point de départ et la raison pour laquelle nous avons construit des programmes dédiés à la promotion de l’activité physique des enfants. C’est le cas de Génération 2024 : il permet aux enfants de mieux connaître les disciplines des Jeux, de leur donner le goût de la pratique sportive, et d’utiliser le sport pour le plaisir d’apprendre.  

Le sport est et peut être utilisé pour enseigner d’autres disciplines. On peut faire des mathématiques en travaillant sur le périmètre du terrain de handball ou de basket par exemple.  

Nous avons coconstruit beaucoup d’outils pédagogiques pour et avec les enseignants.  

Et en matière d’inclusion… 

En effet, dès le départ, il s’agissait d’une notion importante et nous nous sommes attardés dessus notamment sur l’importance du changement de regard sur le handicap. L’école est en ce sens un formidable levier pour toucher tous les enfants, et à travers le sport. On retrouve d’ailleurs tous ces objectifs dans la Semaine Olympique et Paralympique (SOP).  

On entre dans la dernière ligne droite, quels sont vos impacts jusqu’à présent ?  

L’objectif était de proposer aux enseignants pleins d’outils pour travailler avec les élèves. Et cela s’est concrétisé avec la plateforme Génération 2024 dans un dialogue avec le MEN. Cela nous a permis d’avoir un dialogue régulier avec tous les acteurs de la communauté éducative avec lesquels nous continuons à échanger régulièrement.  

Nous avons un dispositif d’ambassadeurs de la SOP, que l’on a créé avec les acteurs qui étaient les plus moteurs sur la plateforme. On les réunit plusieurs fois par an, ils nous aident à créer les bons outils et s’assurer qu’ils sont en adéquation avec les besoins de la communauté éducative. C’est la lame de fonds pour nous pour alimenter le MEN avec des outils ainsi que de faire vivre des moments forts aux élèves, pendant la SOP et tout au long de l’année.  

Vous avez également promu le dispositif 30 min d’Activité Physique Quotidienne à l’école… 

A côté de cela nous nous sommes effectivement focalisés sur quelques mesures fortes pour contribuer à infléchir la courbe de la sédentarité des enfants entre 6 et 11 ans en proposant et soutenant les 30 min APQ. Il s’agit d’une démarche inspirée de ce qu’a fait la Finlande qui l’a mise en place dans leurs 8000 écoles. Il y a beaucoup plus d’écoles en France, donc l’enjeu n’est pas le même mais la revue de littérature produite sur cette question et rassemblant toutes les études d’impact montre la corrélation positive entre résultats scolaires et activité physique et sportive à l’école.  

La concentration en classe, le climat social… Tout cela tend à s’améliorer par la mise en mouvement des élèves. 

La Finlande étant 1ère au classement PISA, cela nous a aidé à convaincre le MEN de lancer une expérimentation en 2020, à l’occasion de la SOP, un mois seulement avant le confinement. Le territoire d’expérimentation était l’académie de Créteil, les ressources pédagogiques autant que les moyens matériels étaient au rendez-vous.  

Aujourd’hui, le déploiement va au-delà du rectorat de Créteil. Il y a des référents dans tous les départements. L’année dernière nous avions 30% des écoles qui le mettait en place de manière volontaire. Nous continuons le déploiement de ces kits car Paris 2024 porte encore grandement ce projet (nous avons financé un tiers des kits et l’État les deux tiers restants).  

Vous mobilisez le design actif pour favoriser l’activité physique, en quoi cela consiste ? 

En effet, nous travaillons pour aménager les cours de récréation pour favoriser l’activité physique des enfants, à la fois dans le temps récréatif mais aussi pour le périscolaire. C’est ce que l’on appelle le design actif. C’est une façon de donner aux enseignants des espaces pour réaliser les 30min d’APQ.  

Aujourd’hui, les cours de récréation sont majoritairement occupées par du foot et des garçons. Nous avons produit un guide du design actif. Cela ne coûte pas si cher et c’est un investissement avec un retour massif. On utilise beaucoup la plateforme terre de jeux pour proposer aux collectivités de se mobiliser sur cet enjeu. D’ailleurs, le gouvernement encourage cet aménagement des cours d’école puisqu’il y a un appel à projet allant en ce sens ! 

Propos recueillis par David Blough, rapporteur de l’étude sur le sport et l’éducation.