Il n’en existe qu’une trentaine en France, pourtant, les micro-lycées prouvent chaque année qu’elles sont une solution prometteuse pour des jeunes qui ont « décrochés » depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.

Repères
¤ Plus de 75 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification en France aujourd’hui (Apprentis d’Auteuil, 2025).
¤ En France, il n’existe qu’une soixantaine de structures de retour à l’école, dont une trentaine de micro-lycées, qui offrent la possibilité de se réinsérer dans un cadre scolaire.
¤ L’Académie de Créteil a été pionnière concernant les microlycées. Le premier microlycée a ouvert à Sénart (77), en 2000.

Encore trop méconnu malgré ses 25 ans d’ancienneté, le micro-lycée est un dispositif dit innovant qui a vu le jour dans les années 2000. A ce moment-là, la lutte contre le décrochage scolaire n’est pas une priorité politique. Il était même plutôt nié par l’institution scolaire. En 2008, sa lutte devient finalement un des objectifs des expérimentations menées par le Haut-commissariat à la jeunesse et le sujet préoccupe de plus en plus.

Nous avons été à la rencontre de celui du 93, ouvert en 2009 à La Courneuve et situé, depuis 2014, au cœur du lycée général et technologique (LGT) Germaine Tillion du Bourget. Il accueille 55 jeunes de 16 à 25 ans qui ont décroché depuis plus de 6 mois. C’est Nathalie Broux, enseignante de français au Lycée innovant du Bourget depuis plus de 10 ans et ancienne coordinatrice du micro-lycée du 93, qui nous a ouvert la grille du portail.

Des jeunes « en détresse » mais au cœur bien accroché

D’emblée, le sujet est posé : et si le décrochage scolaire venait plutôt du système scolaire que des jeunes ? C’est une conviction qui émerge de plus en plus[1], celle d’une école qui ne s’adapte pas aux parcours et aux singularités de chacun. Certains s’en sortent, même très bien, indéniablement, mais pour d’autres, la scolarité est un chemin de croix, et pour 75 000 d’entre eux, c’est l’éloignement progressif ou brutal de l’institution scolaire qui s’impose à eux. En effet, le décrochage n’est que très rarement un choix et les causes qui le provoquent sont souvent cumulatives : instabilité ou rupture familiale, orientation subie, absentéisme…

Quelles solutions s’offrent à eux ? Ces jeunes souvent « en détresse » selon les mots de Nathalie Broux, mais très motivés à se rescolariser se tournent vers les microlycées. Ils candidatent. Au microlycée du 93, ils sont une cinquantaine, divisés en quatre classe (1ère et Terminale L et 1ère et Terminale ES). Ils ont des parcours de vie singuliers, pourtant, Isabelle Furno[2] a pu identifier deux profils de « microlycéens », comme ils se nomment d’ailleurs eux-mêmes :

  • Les jeunes qui n’ont jamais vraiment décroché mais qui errent et ne construisent rien ;
  • Les jeunes qui sont à l’extérieur du système éducatif, souvent dans la rue ou dans leur chambre.

La reprise en filière générale est une « requalification symbolique » pour ces jeunes.

Mais quoi qu’il en soit, un point commun les rassemble tous : ils ont dû démontrer leur motivation pour retourner à l’école, dans ce lieu qui les a disqualifiés par le passé. Alors la reprise en filière générale, bien que dans un cursus à part, va au-delà de la seule préparation de l’examen final du baccalauréat pour ces jeunes. C’est une opportunité pour envisager l’avenir à nouveau, parfois même pour se réconcilier avec l’institution, les autres, ou soi-même. Nathalie Broux parle d’une « requalification symbolique »[3].

Dépasser les postures habituelles

Au profil particulier des élèves, un profil particulier des enseignants s’impose. Au micro-lycée, le rôle de l’enseignant dépasse très clairement celui de la transmission d’une discipline précise : ils doivent accepter une vision large de leur métier. « La discipline est secondaire, la transmission est primordiale » nous confirme la coordinatrice du micro-lycée qui nous a accueilli. Les enseignants doivent assurer des cours interdisciplinaires, faire du tutorat… D’ailleurs, l’équipe pédagogique comprend également une assistante d’éducation à 80% du temps et, dans le cas du microlycée du 93, d’une psychologue avec une permanence de 3h le jeudi, sur budget de l’établissement.

Cette équipe, avec l’élève, réalisent un bilan de la situation, notamment autour de ce qui a provoqué la rupture scolaire. Ce bilan permet de construire une relation pédagogique adaptée pour répondre aux besoins de l’élève, autour de trois invariants :

  • Redonner de l’importance à l’apprentissage trans- et interdisciplinaire ;
  • Accompagner la personne avant l’élève, autour de son projet personnel et professionnel ;
  • Par un travail en équipe.

Les élèves du micro-lycée sont alors accompagnés par un référent, un des enseignants du micro-lycée, pour s’assurer que la réponse reste adaptée à leurs besoins individuels. Formellement, ils auront 1h par semaine ensemble (référent/référé) pour donner un espace au jeune de s’exprimer : sur son projet, comment il se sent, ce qui le préoccupe. Le référent devient une figure de confiance pour le jeune qui n’hésite pas à se tourner vers lui si nécessaire.

Dans l’ouvrage co-écrit par Nathalie Broux[4], on y lit l’histoire de Mathilde, 17 ans, qui a suivi une scolarité au micro-lycée après s’être retrouvée sans solution à l’issue d’un redoublement de seconde. Ses relations avec le corps enseignant étaient dégradées et elle changeait régulièrement d’établissements scolaire car jugée insolente et indisciplinée. Au micro-lycée, elle s’est sentie écoutée, notamment auprès de son référent qui a appris à la connaitre et “a servi de médiateur durant les trois années de sa scolarité” – comme pour la première rencontre avec la psychologue où il l’a accompagné. Elle finit alors par s’apaiser et renouer un dialogue avec l’ensemble de l’équipe pédagogique.

Un dispositif méconnu aux retombées positives pour tous

Le projet pédagogique au microlycée est plus souple, plus privilégié que dans un établissement classique. Les élèves en ont conscience, c’est aussi ce qui favorise le climat de confiance qu’on ressent et qui permet de les maintenir à bord. Ce n’est d’ailleurs pas qu’un ressenti puisque 74,6% d’entre eux déclarent avoir changé positivement sur le plan de la confiance en soi après leur raccrochage[5].

74,6% des microlycéens ont gagné en confiance en eux.

La salle des profs devient une salle commune aux élèves et enseignants. Si un élève arrive en retard, il devra s’expliquer, mais l’équipe pédagogique privilégie surtout sa présence. Un projet culturel accompagne le projet scolaire avec de nombreuses sorties culturelles et artistiques organisées toute l’année. Si tout ne peut se transposer dans un LGT, certaines particularités y ont trouvé leur place.

A titre d’exemple, l’attention particulière donnée à la notation s’étend progressivement à l’ensemble de l’établissement du Bourget. Les élèves sont notés, mais pas de manière punitive. L’évaluation est vue comme un moteur pour permettre aux élèves de s’approprier les apprentissages et « par l’évaluation, on lutte contre le décrochage scolaire » précise Nathalie Broux, ce qui en fait un outil de prévention.

Plus largement, la loi de refondation de l’école de 2012, dite « loi Peillon » ainsi que la médiatisation du coût du décrochage scolaire tout au long d’une vie pour la collectivité, soit 230 000€[6] – qui a d’ailleurs été réévalué cette année à 340 000€[7] – ont donné un coup de projecteur aux structures de retour à l’école. Les microlycées font partie de ces dispositifs qui ont fait leur preuve. Selon les données du ministère, depuis dix ans, plus de 80 % des élèves qui raccrochent dans ces établissements obtiennent le bac chaque année. Et ils sont nombreux parmi les anciens élèves à témoigner que ces années ont été un tournant dans leur parcours dont le coût de la scolarité d’un élève ne s’avère pas plus coûteux que celui d’un élève dans un LGT traditionnel.

Finalement, le microlycée est une expérience atypique pour tous. Pour les élèves qui ne sont pas encore tout à fait des adultes mais ne sont plus complètement des élèves. Pour les enseignants qui ne sont pas forcément formés mais qui acceptent de sortir de leur posture habituelle. Pourtant, les microlycées ont beaucoup à apprendre aux établissements traditionnels et l’École gagnerait probablement à s’en inspirer.

Alexanne Bardet


[1] N. Broux, E. de Saint-Denis, « Les Microlycées. Accueillir les décrocheurs, changer l’école », 2017.

[2] I. Furno, « Le micro-lycée, une structure expérimentale qui accueille des jeunes en situation de décrochage scolaire », 2015.

[3] N. Broux, E. de Saint-Denis, « Les Microlycées. Accueillir les décrocheurs, changer l’école », 2017.

[4] Ibid.

[5] J. Zaffran, Qui sont les “décrocheurs” scolaires qui raccrochent au lycée ?, 2022.

[6] Selon l’étude BCG/MENJVA « Lutte contre le décrochage scolaire : Coûts et bénéfices associés à la lutte contre le décrochage scolaire », 2012.

[7] Selon l’étude BCG/AA « Le décrochage scolaire : un coût humain et social sous-estimé », 2025.