Familles … je vous aime !

Famille, je vous hais ! Foyers clos, portes refermées, possession jalouse du bonheur ! ». Toutes les tensions qui traversent les familles semblent contenues dans cette citation d’André Gide :

“Entre le clos et l’ouvert, entre contrainte et bonheur, sphère privée et publique, limites et émancipation.”

Plus d’un siècle après les Nourritures Terrestres, cette ambivalence reste vive. Si nous choisissons aujourd’hui de nous intéresser aux familles, c’est précisément parce qu’elles se situent au croisement de ces enjeux. Comprendre ce qu’exige une vie favorable à l’épanouissement d’un enfant, éclairer les connaissances sur son développement, mettre en valeur les initiatives qui soutiennent la parentalité : tout cela permet aussi de mesurer l’écart croissant entre les politiques publiques et les besoins réels des individus.

Cet écart se lit dans le quotidien des parents. Une majorité d’entre eux juge difficile d’élever un ou plusieurs enfants et se sentent, au moins par moment, dans un état d’épuisement proche de la rupture. Charge mentale, injonctions contradictoires, stress éducatif, isolement : les familles d’aujourd’hui renvoient le reflet, souvent cru, des profondes transformations sociales et économiques à l’œuvre. Or les transferts financiers traditionnels de la politique familiale, pourtant au cœur de notre modèle social, ne suffisent plus à répondre à ce qui se joue désormais dans l’expérience parentale.

À l’heure où la France connaît une crise démographique inédite, soutenir les familles n’est plus un choix, mais une urgence.

Dans ce contexte, certaines tendances sociétales en disent long. La tentation d ‘invisibiliser les familles, déjà perceptible dans le mouvement « no kids », traduit une volonté de reléguer la question familiale au strict domaine privé, comme si elle ne concernait plus la société. Parallèlement, l’inégale répartition des tâches au détriment des mères, la vulnérabilité des familles monoparentales ou encore le rôle essentiel des adultes de confiance dans les parcours les plus fragiles révèlent la nécessité de repenser en profondeur notre logiciel de politique familiale.

Car faire grandir un enfant au XXIᵉ siècle n’a jamais été aussi exigeant. À l’heure où la France connaît une crise démographique inédite, soutenir les familles n’est plus un choix, mais une urgence. Il s’agit de mettre l’école de leurs côtés, de renforcer l’accompagnement des parents et, plus largement, de saisir cette période charnière pour réinventer la politique familiale autour de la parentalité.

Il en va de notre pacte social et d’un futur désirable pour les enfants.

Édito de Marie-Caroline Missir, déléguée générale de VersLeHaut