Que peut-on retenir de la séquence Éducation du débat télévisé organisé le 20 mars entre les candidats à l’élection présidentielle ?

1/ Une bonne surprise : commencer le débat par l’éducation

Fait assez rare pour être souligné, l’éducation n’a pas été reléguée en troisième partie de soirée, dans la rubrique “divers”. Commencer par l’éducation est choix fort de la part des organisateurs du débat.

Hélas, alors que cela aurait pu être l’occasion de montrer comment l’éducation devait devenir un axe structurant pour tout le prochain quinquennat et constituer le socle d’un nouveau pacte pour le pays, les candidats ont présenté une approche trop réductrice de cet enjeu.

2/ Une mauvaise habitude : réduire le débat sur l’éducation à l’école

Comme d’habitude, le débat sur l’éducation n’a porté que sur la question de l’école, avec des propositions intéressantes mais qui, prises isolément, ne sont pas à la hauteur de la crise éducative qui fragilise notre pays.

L’Éducation nationale est un levier essentiel pour les politiques publiques. C’est le premier poste de dépenses et le principal “employeur”. Il est donc légitime que les candidats à l’élection présidentielle y consacrent du temps mais ils n’ont pas vraiment développé une vision d’ensemble sur les questions éducatives. Il est même étonnant de constater qu’ensuite lorsqu’on aborde la question du chômage ou du terrorisme, l’éducation est évoquée en coup de vent. Comme si, une fois qu’on avait coché la case Éducation en début d’émission, on pouvait passer à autre chose…

Pourtant, l’éducation est la meilleure réponse durable aux principales difficultés de notre pays. Il faut donc une vision d’ensemble, une approche décloisonnée et une mobilisation générale de l’ensemble du corps social, au-delà du seul ministère de l’Éducation nationale.

C’est ce qui manque cruellement aujourd’hui.

Un exemple frappant lors du débat télévisé : la politique familiale n’est abordée que par un seul candidat et encore seulement sous l’angle des allocations. Au-delà des prestations financières, ne pourrait-on pas imaginer d’autres axes de progrès comme le soutien à la parentalité qui pourrait devenir une nouvelle priorité pour la politique familiale ?

Un exemple frappant : La politique familiale n’est abordée que sous l’angle des allocations. Le soutien à la parentalité a été absent alors que cela pourrait être un des nouveaux axes prioritaires de la politique familiale. Idem pour la responsabilité éducative des entreprises très rarement évoquée.

3/ Trois lignes de clivages structurantes

L’idée de concentrer les efforts sur l’école primaire semble faire consensus chez les candidats. En revanche, on peut retenir 3 lignes de clivages structurantes, qui ne recoupent pas toujours le clivage traditionnel droite/gauche :

  • Le clivage sur la gouvernance (jacobin/girondin)

– d’un côté, les partisans d’une centralisation forte des politiques scolaires au nom de l’égalité républicaine (Hamon, Mélenchon, Le Pen)

– de l’autre, les partisans d’une autonomie plus grande donnée aux établissements pour leur donner les moyens de s’adapter aux besoins des jeunes, par exemple sur la question des rythmes scolaires ou du recrutement des équipes (Macron/ Fillon).

  • Le clivage sur les moyens (création de postes/redéploiement)

– d’un côté, les partisans de créations massives de postes (Hamon, Mélenchon)

– de l’autre, ceux qui prônent surtout des redéploiements, à moyens constants

  • Avec des créations de postes pour limiter à 12 le nombre d’élèves par classe en CP/CE1 dans les zones difficiles (Macron)
  • Avec des évolutions sur l’organisation du travail des enseignants (“plus présents et mieux rémunérés”) (Fillon)

La question du redéploiement des moyens du secondaire vers le primaire correspond à un enseignement tiré des comparaisons internationales : par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, la France consacre en effet 37% de moyens en plus par élève au lycée et 15% en moins en primaire. Cette intention de redéploiement se heurte toutefois à une réalité démographique pour les années à venir : on attend une augmentation de 50 000 élèves au collège et au lycée pour la rentrée 2017 (+ 17 000 en 2018). Cette hausse s’explique par l’arrivée en terminale des élèves nés en 2000 (la génération la plus nombreuse depuis 1981) et l’entrée en 6e de ceux nés en 2006 et 2007, années démographiquement fécondes.

  • Le clivage sur l’apprentissage et l’insertion professionnelle
  • d’un côté , ceux qui manifestent une certaine méfiance à l’égard de l’apprentissage et sont plutôt tentés par un allongement de la scolarité obligatoire, au nom de l’égalité des chances (Mélenchon/Hamon)
  • De l’autre, ceux qui assument une généralisation de l’apprentissage dans l’enseignement professionnel, voire un abaissement de l’âge d’entrée en apprentissage, et plus généralement le rapprochement entre le monde du travail et l’école (Macron/Fillon/Le Pen)

4/ 5 candidats, 5 idées fortes

A l’issue de ces premiers échanges, on peur retenir pour chaque candidat, une idée forte, une proposition qui marque une différence.

  • Pour François Fillon, l’accent mis sur la réaffirmation de l’autorité du maître à l’école (et notamment la question de l’uniforme) ;
  • Pour Benoît Hamon, l’accent mis sur la nécessité de renforcer la mixité sociale, en impliquant – par le dialogue – l’enseignement privé ;
  • Pour Marine Le Pen, la concentration quasi-exclusive de l’école primaire sur l’apprentissage des fondamentaux ;
  • Pour Emmanuel Macron, la concentration des moyens supplémentaires dans les écoles primaires en REP et REP + (CP/CE1) ;
  • Pour Jean-Luc Mélenchon, la suppression des financements publics pour les écoles privées sous-contrat.

5/ Pour des États Généraux de l’Éducation

Il est heureux qu’un temps – même limité – ait été consacré à l’éducation en tout début d’émission. En revanche, face à l’urgence éducative, les réponses évoquées ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux…

Et si les candidats faisaient confiance aux acteurs de l’éducation pour lever les freins qui fragilisent notre système éducatif ? C’est tout l’enjeu des États Généraux de l’Éducation que nous appelons de nos vœux, avec 25 acteurs de tous horizons engagés en faveur de la jeunesse.

L’ambition de ce “Grenelle” appliqué aux enjeux de l’éducation que nous demandons au futur Président d’organiser en début du prochain quinquennat : prendre rapidement les grandes décisions qui s’imposent et relancer un pacte éducatif ambitieux associant parents, États, collectivités locales, associations, mouvements de jeunesse, acteurs éducatifs, représentants des salariés et entreprises…

Nous devons absolument recréer des alliances éducatives fortes dans notre pays.